Aix en Provence
Aix-en-Provence, étape de pèlerinage sur la Via Aurélia
La cité d’Aix en Provence a été fondée en 122 avant Jésus Christ après la victoire du Consul général romain Sextius Calvinus sur le peuple Salyen installé sur les hauteurs d’Entremont.
Ce territoire abondant en eaux qui en feront une station balnéaire de renom est avant tout un emplacement stratégique situé sur l’axe Italie - Espagne. Les romains postent une garnison chargée de surveiller les routes du midi et Aix sera promue au IVème siècle Métropole de la province Narbonnaise seconde qui comprend les cités de Fréjus, Antibes, Riez, Apt, Sisteron et Gap.
Plusieurs monuments antiques seront édifiés, des villas, un amphithéâtre et une église : Notre dame de la Seds (Notre dame du Siège) qui aurait eu la vocation initiale d’église Cathédrale.
En 313, par l’édit de Milan, le christianisme est reconnu comme religion officielle de l’empire et Aix devient le siège d’un archevêché non sans difficultés avec les églises d’Arles et de Marseille plus anciennes et plus puissantes. Cette rivalité Aix-Marseille née de l’Antiquité n’aura de cesse à travers les siècles et A. BOUYALA D’ARNAUD résume leurs différences en une belle métaphore : « Adossée à la face méridionale de la chaîne de l’Etoile, Marseille a porté ses regards vers le Sud, vers la mer, vers la Barbarie fabuleuse. Adossée à la face septentrionale de la même chaîne de l’Etoile, Aix a regardé vers le Nord, vers le royaume. Les deux villes se sont délibérément tourné le dos ».
Aix est un lieu de pouvoir, siège des pieux Comtes de Provence de l’an mille jusqu’à la fin du XVème siècle, cité incontournable de souverains et du clergé. Elle devient un lieu de prestige et de profit et administre de nombreuses activités marchandes et artisanales liées à la transhumance entre les éleveurs d’ovins de Basse-Provence et les propriétaires de pâturages dans les Alpes.
Placée au cœur de la Via Aurélia, Aix représente une étape importante pour les pèlerins qui se rendent de Rome à Saint-Jacques de Compostelle et pour ceux qui du Nord de la France et de l’Europe se rendent à Rome. Elle accueille également les fidèles qui vont en pèlerinage vers les lieux sacrés provençaux tels que Saint-Maximin et la Sainte-Baume, Arles et St Gilles.
Les pèlerinages chrétiens au Moyen Age s’exercent le plus souvent sur des routes balisées en solitaire ou en petits groupes se mêlant à de nombreux commerçants, sur des routes muletières. Ces petits groupes cheminent pour des raisons pieuses, c’est une période où s’organisent les grands sanctuaires de pèlerinage de la chrétienté. Les pèlerins sont progressivement encadrés par le clergé et les ordres mendiants qui leur assurent le gîte, le couvert et les soins en raison des dangers qui les guettent sur le chemin.
Les lieux d’hébergement et l’organisation de l’accueil des « marcheurs de Dieu » dans la ville d’Aix en Provence
L’ordre des hospitaliers (ordre des chevaliers de l’hôpital de Saint-Jean de Jérusalem qui deviendra l’ordre de Malte) est établi au XIIème siècle à Aix en bordure de la rue d’Italie sur la voie Aurélienne, il loge et protège les pèlerins. De nombreux ordres (les 4 grands ordres mendiants : les Franciscains, les Dominicains, les Carmes, les Augustins puis les Mineurs et les Prêcheurs), accueillent ou soignent les pèlerins. La branche féminine des Carmes crée le Carmel ; les bâtiments de ce couvent forment l’actuelle chapelle et maison des Oblats de Marie Immaculée-place Forbin, aujourd’hui encore lieu d’accueil de pèlerins.
Dès le XIVème siècle, Aix va bâtir plus de quatre-vingts oratoires en niches d’angles ou en façade à dominante de « vierges à l’enfant ». Ils étaient invoqués principalement à chaque épidémie de peste ou de choléra.
On dénombre cinq oratoires voués aux pèlerins de Rome ou de Compostelle encore en place et rénovés pour la plupart. Ils sont situés sur des emplacements évocateurs puisqu’ils se trouvent tous sur le chemin des pèlerins pour les guider vers des hauts lieux chrétiens de pèlerinage ou vers d’anciens lieux d’accueil de pèlerins.
Les oratoires de Saint Roch se trouvent sur la trajectoire de la via Aurélia à l’angle de la rue d’Italie et de la rue Cardinale près de St Jean de Malte, au 20 de la rue Mignet (en cours de réfection) puis à l’angle de la rue Richelme et de la rue Vauvenargues et enfin au 40 rue Espariat dans le vieux quartier St-Jacques sur le lieu de l’ancien hôpital St-Esprit.
Lorsqu’ils se trouvaient au bourg Saint Sauveur, les pèlerins pouvaient aussi loger dans des auberges ou tavernes situées dans le quartier des Cordeliers où l’on peut encore distinguer des statuettes de pèlerins au-dessus de portes au 1 bis du forum des cardeurs, au 12, rue des Muletiers ainsi qu’aux 1, 3 et 5 rue saint Joseph. Ce quartier se trouvait en sortie de ville, là où le pèlerin cherchait la route d’Arles pour continuer sa pérégrination, à l’emplacement bien nommé « ancienne porte Saint-Jacques des Pèlerins ».
D’après une étude de N. COULET, au XVème siècle, les auberges sont des lieux très fréquentés et cosmopolites où se mêlent la population locale et les gens de passage. L’auberge de la Couronne à Aix en Provence reçoit la belle clientèle ; les marchands y passent des contrats et y concluent des affaires devant un verre de vin ou de bière. Au moyen âge, cette partie de la ville regroupait des artisans en « rues spécialisées » tels que les cardeurs, les tisserands, les tanneurs dont on peut imaginer qu’ils pouvaient proposer des tâches journalières aux gens de passage. Les auberges ou tavernes hébergeaient les voyageurs et commerçants dont les destinations s’orientaient vers Marseille, Avignon, vers les villes des Alpes (Gap et Grenoble) ou vers l’Est par St-Maximin et Nice jusqu’à Rome. L’aubergiste notait rarement l’étape antérieure de ses clients, cependant on a pu constater sur un registre le départ de pèlerins qui s’en retournent à la Sainte Baume. On note que la clientèle est qualifiée de « chrétiens itinérants », ce sont des ecclésiastiques et monastiques comprenant des prêtres, des religieux, des mendiants et des moines. Les gens ne restent qu’un seul jour et repartent le lendemain. Une minorité se déplace à pied. Les auberges ont des dépendances qui sont l’étable et la grange à foin ; aucune hôtellerie ne peut se concevoir sans elles en un temps où l’on loge à pied ou à cheval.
Un quartier Saint-Jacques intra-muros a véritablement existé ; en témoigne encore cet oratoire de l’apôtre sis à l’angle des rues Nazareth et Courteissade qui indiquait une auberge de particuliers qui a fonctionné pendant 5 siècles et fût démolie en 1836. Les derniers propriétaires de l’auberge appartenaient à la famille Dignoscyo dont un des membres avait exercé de hautes fonctions auprès du roi René ; elle aurait appartenu à d’autres familles proches du pouvoir (les Aygosii, les Boniface, les seigneurs de Mazargues et les Ornano) ce qui prouve l’engagement des nobles familles chrétiennes envers le pèlerin.
Le premier Hôpital Saint-Jacques était situé hors des murs dans le prolongement au sud de la ville, à l’emplacement actuel du Collège Mignet au bout de la rue Cabassol, anciennement rue St Jacques où se trouvaient les couvents féminins des Bénédictines et des Ursulines. Vers la fin du XIIIème siècle, un second hôpital St Jacques fut déplacé à côté de la Cathédrale Saint Sauveur puis au XVIème siècle, un troisième Hôpital fut créé par Jacques de La Roque et implanté dans la rue du nom de son fondateur.
Aix, cité romaine, était entourée de remparts bordés par la voie Aurélienne durant l’antiquité et s’est étendue à trois quartiers au Moyen Age : le Bourg Saint Sauveur, la Ville Comtale et la Ville des Tours ou Ville Episcopale.
Des édifices ont été élevés sur les constructions romaines comme la Cathédrale Saint Sauveur construite entre le Vème et le XVIIème siècle sur les fondations d’un ancien temple d’Apollon. La cathédrale dédiée à Jésus Christ (Saint Sauveur) est une cathédrale catholique romaine située dans la rue Gaston de Saporta à Aix en Provence. De la façade, on distingue trois étapes de construction du bâtiment : tout d’abord la façade nue de la nef romane construite au XIIème siècle, suivie quelques années plus tard par le mur fait de blocs antiques à bossages montés à joints vifs sur des lits de filasse. Le seul élément récent est le portail qui ferme la nef gothique et qui est daté du XVIème siècle. Autour de la cathédrale, sont construits au fil des siècles des bâtiments qui lui sont accolés, comme le bâtiment claustral de la communauté des chanoines (fin du XIIème siècle) ou le clocher achevé en 1425.
Le Baptistère de la cathédrale a été construit au début du VIème siècle, il est contemporain de celui de Riez, de Fréjus mais aussi d’Albenga en Ligurie et Djemila en Algérie, il est parmi les plus anciens de France. Le baptistère octogonal, couronné en 1579 par le chanoine Jean de Léone, possède une coupole décorée de gypseries surmontant des colonnes d’époque romaine réemployées. La cuve serait d’époque mérovingienne. On trouve sous les dalles des caveaux de chanoines et d’archevêques. Dès sa construction, le baptistère a été alimenté par les eaux chaudes provenant des thermes romains. Le baptême est alors administré par immersion totale. Une symbolique bien définie est alors attachée au sacrement du baptême. Celui-ci représente un moyen d’être enseveli dans la mort avec le Christ et de vivre la vie nouvelle, au moyen de l’illumination. L’édifice est orienté vers le soleil levant malgré les changements apportés au fil des siècles, notamment par l’ajout de colonnes en granit… Huit colonnes entourent l’édifice, on y attachait les étoffes pour cacher les catéchumènes des regards.
La Chapelle Saint Côme et Damien, construite à la fin du XVIème siècle dans la cathédrale, abrite un dépôt lapidaire dont la pièce la plus remarquable est le sarcophage dit de St Mitre (fin du VIème siècle), le grand Saint Aixois de l’antiquité tardive dont une statue orne également le portail gothique de la cathédrale.
Le Cloître Saint-Sauveur a été construit vers 1190 par les chanoines de la cathédrale. Son accès se faisait jadis par une porte solennelle placée au sud de celui-ci et donnant sur la place de l’archevêché. Il est constitué par quatre galeries de huit travées formées d’arcades de plein cintre reposant sur des colonnes géminées. Contrairement aux autres cloîtres provençaux tels Saint Trophime à Arles ou Montmajour, les galeries ne sont pas voûtées mais recouvertes d’une charpente ; la légèreté de la structure explique la finesse des colonnes de contreforts et de gros piliers massifs.
Seuls les angles des galeries ont reçu quatre piliers importants ornés de panneaux ou de colonnettes droites ou torses. Sur chacun des piliers est figuré un des quatre vivants de l’apocalypse : l’homme, le lion, l’aigle et le taureau et les quatre évangélistes : St Mathieu, St Marc, St Pierre et St Luc.
Parmi les Œuvres exposées à la Cathédrale Saint-Sauveur, « Le Buisson Ardent » triptyque de Nicolas FROMENT (XVème siècle) est la pièce maîtresse du monument. Commanditée par le roi René en 1476 pour le tombeau de ses entrailles ; l’œuvre provient du couvent des Grands Carmes détruit sous la révolution. Le panneau central représente la Vierge et l’Enfant sur le buisson ardent. Au premier plan, sur la droite, Moïse gardant son troupeau, se déchausse à la vue de cette apparition. Les deux autres parties du triptyque représentent les commanditaires de l’œuvre, le roi René et la reine Jeanne, dans une attitude pieuse. Restaurée, l’œuvre pèse à elle-seule près d’une demie -tonne.
D’autres édifices religieux ont accueilli les pèlerins, citons L’abbatiale de la Madeleine, vouée au culte d’une personnalité majeure des Saints de Provence, elle fut construite au XIIIème siècle hors des murs d’enceinte par l’ordre des Prêcheurs. Ravagée par un incendie en 1383, l’abbatiale fut entièrement reconstruite entre 1691 et 1703. Véritable Musée de la peinture religieuse, c’est en particulier un lieu de conservation de la célèbre Annonciation d’Aix de Barthélémy d’Eyck (XVème siècle) actuellement exposée à l’église Saint-Esprit située rue Espariat qui est bâtie sur un ancien hôpital du XIIIème siècle voué à l’accueil de mendiants, enfants trouvés et pèlerins du quartier Saint-Jacques.
Nicole VENDANGE