Voie Aurelia

FRÉJUS
Var
Patrimoine jacquaire

Voie Aurelia

Traversant le Massif de l'Estérel, les divers tronçons des voies Aurelia et Julia Augusta se rejoignaient à Fréjus. S'écartant du tracé actuel de la route DN 7 (ex-RN 7), la voie Aurélienne suivait celui de la "route d'Italie" avant de reprendre son ancien nom jusqu'à sa jonction avec la DN 7 au quartier de la Tour de Mare (peu avant la Pagode). Elle pénétrait dans la ville de Fréjus par la Porte de Rome (actuelles avenues du Gal Jean Callès et du 15e Corps d'Armée, puis rue Jean Jaurès) au niveau de l'ancien Hospice Saint-Jacques. La voie Aurelia quittait ensuite Fréjus par la Porte des Gaules.

Infos pratiques

Hôtel de Ville
83600 FRÉJUS
France

Vers 1700, l'Hospice Saint-Jacques de Fréjus, situé sur l'actuelle place G. Clémenceau, était devenu très vétuste. Peu d'informations nous sont parvenues sur l'origine de cet établissement sinon qu'il appartenait à l'évêque tout comme celui de Fayence, qui portait le même nom et avait été créé à la même époque (milieu du XVIe siècle). L'Hospice Saint-Jacques est mentionné sur le cadastre fréjussien de 1715. Son administration avait été confiée à plusieurs recteurs "modernes", les anciens n'exerçant alors plus aucune fonction. Ceux-ci étaient assistés jusqu'au début du XVIIe siècle, de dames "prieuresses" laïques d'un mérite extrême mais très mal organisées, s'occupant de l'assistance aux malades, du soin du linge et de toute l'intendance, tout comme le service du pain et du ravitaillement de l'hospice ; elles étaient aussi admises au bureau. En 1715, les prieuresses sont remplacées par trois religieuses de l'ordre des Filles de la Charité de Nevers.

Jusqu'à l'arrivée des sœurs, l'Hospice vivait dans un état de désordre permanent. L'Hospice était triste et incommode. Les pauvres malades étaient exposés au bruit et au vacarme des passants qui utilisaient la basse-cour pour y allumer des feux et se quereller une grande partie de la nuit ; la chambre qu'occupaient les trois religieuses étaient "immonde et malsaine" (délibération du 13 août 1717). Pour remédier à la situation, on leur bâtit en 1724 un nouvel appartement extérieur situé sur les remparts devant l'Hospice (tour du XVIe siècle existant toujours). Grâce à leur dévouement, les choses s'améliorent progressivement. Elles préparent les distillations selon les saisons, et leur apothicairerie est toujours bien fournie. Les finances sont bien tenues ; les sœurs vendent les hardes des pensionnaires décédés, constituant ainsi une bonne épargne. Les chirurgiens, dont les honoraires se montent alors à 24 livres, ne sont plus employés à l'Hospice que pour des cures particulières ou difficiles. Outre les soins aux malades, les sœurs s'affairent aux travaux journaliers qu'effectuaient jadis les dames prieuresses, en se faisant aider d'une servante.

Les sœurs se livrent avec charité à tous les besoins temporels et spirituels des malades et des moribonds, de sorte que l'homme qui enterre les morts, et qui est logé dans la maison, n'a d'autre charge que de les aider à les porter dans la chapelle (Délibération municipale du 1er novembre 1779). C'est d'ailleurs dans ce domaine que se concentrent les problèmes : l'habilleuse desdits morts laisse à désirer et les enterrements sont laborieux et mal exécutés. Le cimetière Saint-Joseph voisin est saturé et les trous pour les tombes sont mal dimensionnés : trop peu profond ou trop petits. L'Hospice s'implique auprès de la ville et des curés de la cathédrale pour défricher une autre partie de terrain et on recherche un autre "enterre-morts" qui ne sera plus logé à l'hospice.

L'eau potable donne également du souci aux sœurs pour la préparation des bouillons et des boissons. Elles organisent une corvée d'eau quotidienne avec les plus valides de l'hospice pour porter les cruches jusqu'aux fontaines de la ville. Une maison ruinée attenante est acquise par l'archidiacre afin d'aménager les caves en réserves (Délibération du 15 juin 1718).

L'Hospice Saint-Jacques recueille toutes sortes de miséreux, notamment les "vieillards honteux" et les malades pauvres qui ne sont toutefois gardés que le temps de leur maladie. Les enfants trouvés, abandonnés ou orphelins, nombreux à cette époque, sont également pris en charge. Le sort de ces malheureuses "victimes de la honte" ou de la misère était réglé par un arrêt royal (31 décembre 1768). Ils étaient généralement confiés à des nourrices qui, souvent miséreuses elles-mêmes, ne parvenaient pas toujours à assurer leur subsistance ; la mortalité restait très importante. Les plus chanceux étaient retirés des hospices avant l'âge de 14 ans par des cultivateurs ou par quelque particulier pour les faire travailler aux champs ou entretenir leurs maisons ; ces parents adoptifs pouvaient les utiliser à des travaux légers dès l'âge de 7 ans. Le roi offrait une diminution d'impôts de 12 livres pour chaque enfant pris à l'Hospice.

Au moment de la Révolution, il ne reste de l'Hospice Saint-Jacques que des décombres. En 1789, Fréjus ne dispose d'aucun établissement hospitalier et la construction d'un nouvel Hôpital Saint-Jacques était déjà discutée par la municipalité ; sa réalisation pourrait faire l'objet d'un scénario de film. Le grand séminaire qui occupait les ailes de l'ancien Hospice, est vendu à Draguignan comme bien national à trois bourgeois fréjussiens pour la somme de 6 000 F (adjudication du 14 prairial an VI). La ville ne s'était pas porté acquéreuse faute d'argent, mais les acheteurs lui rétrocèdent le séminaire pour la même somme (cession du 11 janvier 1807). L'Hospice et l'école publique de filles, régentée depuis quelques temps par les Filles de la Charité de Nevers, s'installent dans une aile de l'ancien séminaire (actuelle salle des fêtes) mais les sœurs doivent quitter Fréjus. Elles sont remplacées par un directeur laïc. 

À partir du moment où, en vertu du nouveau Concordat, Fréjus retrouve son siège épiscopal (règne de Napoléon), il fallait s'attendre à ce que le nouvel évêque - Mgr Charles-Alexandre de Richery - demande la libération de son séminaire afin que l'établissement retrouve sa fonction première. La chance allait aider la municipalité, trop pauvre pour construire un nouvel Hôpital. L'évêque et le maire élaborent alors un tour de passe-passe permettant au diocèse d'aider sa nouvelle administration épiscopale et à la commune de construire son Hôpital. L'évêque offre à la ville une somme de 20 000 F (imputée sur les frais généraux du culte) à titre d'indemnité pour la cession de l'ancien séminaire servant d'Hospice et rendu à sa fonction primitive. La délibération (3 octobre 1825) acceptée à l'unanimité est transmise au Préfet puis au ministre de l'Intérieur. L'affaire est si rondement menée que le 23 novembre suivant le roi Charles signait l'ordonnance autorisant la cession de l'ancien séminaire à l'évêque diocésain. La construction du nouvel Hospice Saint-Jacques pouvait démarrer… et l'ancien hospice pouvait être démoli, ce qui sera effectivement réalisé en 1830.

Le nouvel édifice sera construit en face de l'ancien Hospice (place G. Clémenceau), de l'autre côté de la route royale devenue RN 7, près de la porte Saint-Joseph qui fermait la ville. La majeure partie du terrain d'emprise était propriété de la ville puisqu'il englobait l'ancien cimetière Saint-Joseph ; des maisons ruinées ainsi qu'un jardin enclos, dit de Saint-Jean, qui formaient confronts seront achetés par l'évêque. Le devis de l'édifice se monte à 25 892,28 F. La première pierre du nouvel Hospice Saint-Jacques est officiellement posée le 1er décembre 1827.

Mais très rapidement, un problème important suspend les travaux. Les fouilles faites pour les fondations de l'Hôpital font apparaître un édifice ancien en marbre. On extrait deux grands bandeaux d'entablement (partie d'un édifice s'appuyant sur une colonnade, située entre le chapiteau et la corniche) portant frise et architrave, en un seul bloc. Des fragments de statues paraissent avoir été brisés à dessein. Les morceaux de futs indiquent une grande richesse du bâtiment ; un temple impérial semble-t-il. Les devis complémentaires s'enchaînent ; la dépense se monte à 35 109,25 F fin 1829.

Pour éviter l'hémorragie des frais qui s'annoncent, le conseil municipal se résigne à prendre certaines décisions contestables qui font encore de nos jours pleurer les archéologues ! Le maire autorise le maçon à démolir plusieurs bâtiments antiques et désigne, parmi ceux-ci, les constructions propres à fournir la pierre de taille. Une tour médiévale sera également démolie (porte Dorée).

Les travaux se poursuivront tout au long du XIXe siècle. En 1846, une façade est ouverte sur le cours Vernet ; le grand escalier est inauguré le 12 mai 1865. L'aile sud sera élevée d'un étage en 1876 ; on y construira trois salles : deux pour les vieillards et une pour les religieuses.

Le dévouement des sœurs est total. Le 7 août 1889, la mère supérieure demande le renfort d'une sœur afin de suppléer sœur Irène malade d'épuisement. Cette dernière, infirmière à l'Hospice depuis 44 ans n'avait jamais quitté son poste y compris durant plusieurs épidémies : le choléra en 1854, la typhoïde en 1884-85, la petite vérole (variole) en 1887. En 1898, on soupçonne la mère supérieure d'être devenue sourde mais le docteur consulté, conclue qu'elle ne présente pas de grands signes de surdité et qu'elle est seulement dure d'oreille. Elle dirigeait l'établissement depuis 1864, soit 39 ans ; la mairie prendra ses obsèques en charge. Ainsi va la vie à l'Hôpital Saint-Jacques…

La gestion de l'Hôpital est bonne. Les subventions s'enchaînent. En 1900, le Paris Mutuel Urbain (PMU) participe à hauteur de 2 287 € (15 000 F) pour la construction d'un pavillon isolé dans un jardin pour les contagieux et une nouvelle morgue plus appropriée que l'ancienne chapelle.

Au début du XXe siècle, l'Hôpital Saint-Jacques s'était considérablement modernisé. 1921 et 1931 voient la création de services chirurgicaux et l'année 1925, l'installation d'une maternité. D'autres grandes transformations sont envisagées mais les difficultés à les financer retardaient leur mise en œuvre. C'est alors qu'un riche médecin fréjussien exerçant à Nice – Émile BONNET – décède sans laisser d'héritiers. Ayant légué toute sa fortune et sa magnifique villa à la ville, un projet ambitieux pour la ville, déjà dans les cartons, pouvait être lancé.

La construction d'un centre médico-chirurgical intercommunal, avec la ville voisine de Saint-Raphaël, est décidé par le conseil municipal. Le nom de Saint-Jacques disparaitra au profit de celui du généreux donateur. Le 11 juin 1948, le journal "Le Méridional" rend hommage au mécène et de son legs ayant permis la réalisation d'un nouveau pavillon et une rénovation intérieure de l'Hôpital. Mgr GAUDEL, évêque de Fréjus bénit dans l'après-midi du 15 juin l'Hôpital rénové. Une nouvelle histoire hospitalière était sur les rails.

La laïcisation de l'Hôpital était aussi en marche. La municipalité fait tout pour conserver les Filles de la Charité de Nevers. Les sœurs étaient attachées à l'établissement hospitalier depuis plus de 230 ans et la population l'était tout autant vis-à-vis des sœurs. Vers 1952, une délégation du Conseil municipal et du la Commission administrative se rend à Nevers. La mère supérieure générale ne peut hélas pas répondre favorablement aux fréjussiens. Faute de vocations suffisantes, l'ordre est obligé de retirer la plupart des religieuses des établissements hospitaliers, y compris de celui de Fréjus. La mère Henri, qui était de Fréjus depuis près de cinquante ans, se retire en 1960 dans la maison de retraite de l'ordre à Vence. Sœur Gabrielle chef de cuisine et sœur Thérèse attachée à la salle d'opération partent finir leurs jours dans la maison de retraite de l'ordre dans l'Ain.

Outre la chapelle primitive du XVIe siècle de l'ancien Hospice Saint-Jacques, une seconde chapelle intègre le nouvel Hospice dès 1829. Celle-ci deviendra, après quelques années, une salle d'opération. La dernière chapelle, construite sur une parcelle de terrain destinée à agrandir la cour de l'Hospice avait été achetée en 1852 à une certaine demoiselle Marie-Thérèse BLANGIO, cuisinière à Fréjus, par la Commission administrative de l'hospice (Notaire BAREST).

Le coût de l'édifice ne constituait pas une charge supplémentaire pour l'Hospice Saint-Jacques qui se débattait à cette époque avec des surcoûts engendrés par d'importants projets d'aménagements. La mère supérieure des Filles de la Charité rappelait au Conseil d'Administration de l'Hospice que le financement de la chapelle provenait intégralement de ses fonds personnels. Elle avait même accepté de construire, dans la partie supérieure de la chapelle, une vaste salle susceptible de constituer un dortoir complémentaire pour des pensionnaires qu'il serait nécessaire d'isoler en cas d'épidémie, ou autres circonstances imprévues, mais demandait néanmoins quelques délais pour absorber cette dépense importante supplémentaire. En 1866, le Préfet du Var donnera 91 € (600 F) aux sœurs pour la construction d'un escalier attenant à la chapelle. 

Rapidement construite sur l'emplacement d'une tour du rempart édifié par l'évêque RICULFE (donnant sur l'actuelle place Paul Vernet), la chapelle prend tout naturellement le nom de "chapelle de l'Hospice Saint-Jacques" ; elle connaitra lors de son inauguration en 1854, l'ordination de 32 prêtres. Au-dessus de l'autel trônait une grande Vierge de Lourdes posée au-dessus de deux niches contenant les statues en bois doré de sainte Marthe et sainte Catherine. De part et d'autre de la table de communion se trouvaient deux petits autels muraux dédiés à saint Joseph et à saint Roch. Dès-après la canonisation de sainte Bernadette Soubirou, le 8 décembre 1833, est installée dans la nef une statue de la nouvelle sainte – "Dame de Nevers" des plus prestigieuses. C'est ainsi que très officieusement, et de manière toute tardive, la chapelle sera vouée jusqu'en 1972 à la Vierge de Lourde. La messe y était célébrée pour les sœurs quotidiennement, sauf le Vendredi Saint où le prêtre officiait sur la tribune car l'autel était couvert de fleurs par les religieuses de Nevers. 

En 1909, la chapelle échappe de justesse à une donation contrainte pour l'aménagement d'une infirmerie militaire dans la salle située à l'étage. Mais la mère supérieure doit accepter en 1927 l'aménagement de ce local en chambres individuelles pour le personnel féminin de l'Hospice ou pour des pensionnaires. L'affaire traîne en longueur (de 1929 à 1942). Plusieurs projets et devis sont étudiés ; mais peu sont réalisés.

Le 15 juin 1948, Mgr GAUDEL venait bénir la rénovation du nouvel hôpital intercommunal rénové. Le même jour, il présidait dans la chapelle Saint-Jacques – désormais Sainte-Bernadette – magnifiquement parée, la fête annuelle de l'adoration perpétuelle. Assistaient à la cérémonie, les personnes désireuses de témoigner de leur chrétienne sympathie aux chers malades, aux personnes âgées et, tout particulièrement, aux bonnes sœurs qui se dévouaient sans compter au service des uns et des autres.

Le 2 décembre 1959, elle est transformée en chapelle ardente afin de recevoir les corps victimes de la catastrophe du barrage de Malpasset. Restaurée par la municipalité, la chapelle Sainte-Bernadette abrite le centre culturel inauguré le 8 février 1982 par Mgr Gilles Barthe évêque de Fréjus-Toulon et François Léotard alors maire de Fréjus et ministre de la culture. Une plaque commémorative rappelle l'évènement. Les salles supérieures ont été aménagées en bureaux pour les services culturels de la ville et la chapelle est utilisée pour des expositions diverses au cours de l'année.   

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