PLAN-D'AUPS-LA-SAINTE-BAUME
PLAN-D'AUPS-LA-SAINTE-BAUME
Saints provençaux et lieux-saints : sainte Marie-Madeleine
Grotte de Sainte-Marie-Madeleine (Sainte-Baume)
À la fois curiosité géologique et lieu saint ; une "colombe cachée au creux du rocher, en des retraites escarpées" (Ct 2, 14). Une grotte naturelle creusée par l'érosion (baoumo, en provençal) dans une barre rocheuse de 12 km émergeant d'une forêt du tertiaire, et l'un des lieux de pèlerinage parmi les plus anciens du monde chrétien. Montagne et forêt sacrées : "Montagne sacrée" des Marseillais, ils y vénéraient Cybèle et Artémis, la déesse grecque de leurs ancêtres (Éphèse). Lucain (39-65), poète latin de Cordoue (petit-fils de Sénèque) chantait les "Bois sacrés" proches de Marseille. Cette montagne et sa forêt était un lieu de culte lié à la féminité depuis la nuit des temps. Aujourd'hui encore, des couples se rendent à la Grotte aux Œufs voisine avec l'espoir d'avoir des enfants ou embrassent le premier gros chêne qu'ils rencontrent en pénétrant dans la forêt ; les anciens y priaient alors Dionysos. Des arbres aux houppiers gigantesques qui se plaisent à toucher les nuages, des lianes de lierre couvrant les écorces grises et lisses aux tapis de mousse recouvrant le sol ou les rochers épars, les visiteurs hésitent entre miracle ou paradis pour nommer cette forêt exubérante. "Forêt-relique" ou "forêt primitive" disent les botanistes. Les pentes raides de l'ubac (versant ombragé de la falaise) déroulent ses futaies de hêtres centenaires, de chênes pubescents, de tilleuls et d'érables, auxquelles succèdent les pins sylvestres de la plaine. Classée Réserve Biologique, la forêt domaniale appartient depuis 2017 au Parc National Régional.
Église, chapelle et oratoire Saint-Jacques
Cf. Patrimoine "jacquaire" : Plan d'Aups
Sanctuaire de la Sainte-Baume
Partie de Marseille, Marie-Madeleine n'eut aucun mal à trouver la Sainte-Baume, sans doute abandonnée par les dieux depuis longtemps à l'époque de Claude et de Néron. Elle y resta trente années. Il est des lieux où les hommes souhaitent habiller de neuf les vérités anciennes. Des lieux dans lesquels le corps et le cœur sont saisis par la miséricorde et le pardon ; dans lesquels l'appel intérieur du beau et du vrai rejoint l'expérience des sens et nous font soudain prendre conscience de notre vocation profonde. La rudesse de la montée et la vue panoramique autant qu'infinie sur la création constituaient pour la Madeleine une invitation lumineuse à vivre désormais cet appel irrésistible du Ciel. En atteignant la Grotte, la Sainte revivait sans doute l'expérience qu'elle avait eue quelques années plus tôt au pied de la croix et au matin de Pâques. Elle ne redescendra de la Grotte que pour mourir. Abandonnant le monde elle consacre les dernières années de sa vie à la contemplation. Trente années de prières et d'ascèse, dit-on. "Sept fois par jour aux heures canoniales, des anges viennent la chercher et la prennent dans leurs bras afin de l'élever jusqu'au sommet de la falaise (Saint-Pilon) dans un concert de chœurs célestes. Puis, après s'être rassasiée de ces suaves aliments, les mêmes anges la ramènent dans leurs mains jusqu'à sa grotte". Les moines de saint Cassien (Cassianites), venus de Marseille, s'installent en 415 ; ils y resteront six siècles, remplacés par des Bénédictins pendant trois autres siècles (1079-1295). Sur demande du roi Charles II, comte de Provence, le pape Boniface VIII ordonne aux Dominicains de s'installer à Saint-Maximin et à la Grotte. Chassés à la Révolution, et leurs biens détruits ou vendus, ils ne reviendront qu'en 1840, dès le rétablissement de l'ordre, pour ne plus jamais quitter les lieux. En 1848, le père Henri-Dominique Lacordaire (Dominicain) rachète le couvent de Saint-Maximin et le 22 juillet, monte à la grotte afin de réinstaller officiellement ses confrères. Créant une œuvre pour la restauration des lieux saints de Provence, il entreprend des travaux de restauration et fait construire l'Hôtellerie dans la plaine. Les aides et les dons affluent de partout ; les artistes s'expriment au travers d'œuvres remarquables : sur le "rocher spirituel", l'autel et son retable en marbre représentant "Marie-Madeleine pleurant sous le regard du Christ en croix", est réalisé par le sculpteur Alexandre en 1860, de même que celle de la "Marie-Madeleine élevée par les Anges jusqu'au Saint-Pilon" située plus en hauteur qui semble surveiller la célébration quotidienne de la messe depuis 1878. La "Marie-Madeleine en contemplation" du sculpteur Fossati, posée sur le "rocher de la Pénitence", provient du tombeau du comte de Valbelle, situé à la chartreuse voisine de Montrieux. Celle contemplant le crucifix du sculpteur Emilien Cabuchet, est offerte par Mgr Dupanloup. Quant à la statue tronquée de "Marie écoutant son Rabouni à Béthanie", elle a perdu son Jésus durant la Révolution. En 1865, le frère Jean-Joseph Lataste fonde près de l'église Saint-Jacques au Plan d'Aups la congrégation dominicaine de "Béthanie", qui accueille les femmes sorties de prison : les "Madeleine" converties. Le père prélève quelques reliques de sainte Marie-Madeleine et les place dans un reliquaire réalisé par l'orfèvre lyonnais Armand Caillat pour les déposer dans la grotte.
Le Calvaire :
En prévision des célébrations et des foules attendues pour le centenaire de la réouverture au culte à la Sainte-Baume, le père Vayssière souhaitait faciliter l'accès du sanctuaire aux personnes essoufflées qui, arrivant sous la grotte, devaient encore gravir les derniers mètres par un raidillon escarpé et dangereux. Il décide de construire un escalier comportant 150 marches, représentant les 150 psaumes du roi David ou les 150 "Ave" du Rosaire. Il souhaite en outre faire de cette dernière ascension, un chemin de croix. S'inspirant alors du calvaire de Bétharram, il décide que les deux dernières stations seraient monumentales. Un Calvaire "grandeur nature" accueille ainsi le pèlerin, quelques marches avant son entrée dans la grotte, montrant le Christ et les deux larrons en croix, saint Jean, la Vierge, et bien entendu sainte Marie-Madeleine en pleurs aux pieds de Jésus. Le calvaire est béni solennellement le 8 juillet 1914 en présence de plusieurs évêques et d'une foule considérable ; moins d'un mois après, le 4 août, la mobilisation pour la première guerre mondiale était déclarée.
La Pietà : La 13e station (la descente de croix, ou Pietà) se voulait aussi monumentale mais ne pourra être mise en place, à cause de la guerre, qu'en 1932. Sa construction est confiée à Marthe Spitzer, une juive convertie que le père Vayssière avait rencontrée à la Sainte-Baume (à la maison Nazareth) à l'occasion d'un rassemblement judéo-chrétien organisé par le père Alterman, proche de Jacques Maritain. Le projet n'alla pas sans souffrances et pris plusieurs années. La sculpture en bronze fondue par Rudier fut d'abord exposée pendant quelques semaines sur le parvis de la Madeleine à Paris, puis chargée sur un wagon de chemin de fer. Arrivée dans la petite gare de Saint-Zacharie, la Pietà fut tirée par des chevaux jusqu'au pied de la grotte et enfin, montée dans les escaliers à l'aide de rouleaux, de madriers et de palans. Les hommes de la région qui participèrent à l'opération racontaient que l'exploit demanda plus d'une semaine de travail.
Les vitraux :
Sept verrières éclairent la grotte d'une lumière douce et subtile, propice au recueillement et à la prière. Retraçant l'itinéraire évangélique de Marie-Madeleine, ils ont été réalisés et posés de 1977 à 1983 par Pierre Petit dit "Tourangeau, le Disciple de la Lumière", compagnon de l'Union Compagnonnique des Devoirs Unis. À l'instar des grandes verrières des cathédrales des XIIe et XIIIe siècles, celles-ci s'efforcent d'écrire quelques nouvelles pages de la "Bible des Pauvres", mêlant symboles chrétiens et compagnonniques dans une association de formes modernes et de couleurs traditionnelles.
Pèlerinages
Les pèlerinages à la Sainte-Baume n'ont jamais cessé y compris durant les années noires de la Révolution. Plusieurs fois ravagée mais toujours reconstruite, la Baume a traversé toutes les époques. On y verra des papes : Étienne VI (816) suivi par Jean VIII (878) et plus tard, tous ceux d'Avignon. Des têtes couronnées, bien sûr : Saint-Louis à son retour de croisade (1254), François 1er et la reine Claude (1516), Louis XIII (1622) ou Louis XIV accompagné d'Anne d'Autriche et de Mazarin (1660), ou encore Christine de Suède (1658) ou Marie-Christine d'Espagne (1840). Catherine de Médicis y amènera le jeune Charles IX (1564) ; certains souverains s'y donneront même rendez-vous ; ainsi, le même jour, Philippe VI de Valois, roi de France, Alphonse IV d'Aragon, Hugues de Chypre et Jean de Luxembourg, roi de Bohème, se retrouveront à la Grotte (1332). La plupart des comtes de Provence y viendront, souvent plusieurs fois. Sainte Brigitte de Suède, en route vers Saint-Jacques de Compostelle, viendra à la SainteBaume en 1341. De très nombreuses personnalités civiles ou religieuses viendront aussi se recueillir à la Grotte comme les poètes Pétrarque ou Mistral (1860) ou encore Charles de Foucauld (1900) ; certains y laisseront, au contraire, un mauvais souvenir : le maréchal Brune détruira la Grotte en 1814. Il périt misérablement quelques jours plus tard à Avignon et son corps, jeté dans le Rhône, ne fut jamais retrouvé. Mais la piété des Provençaux et les libéralités de Louis XVIII restaurèrent le sanctuaire. Pie VII accorda de nouveau l'indulgence plénière aux pèlerins qui visiteraient la grotte de sainte Marie-Madeleine aux fêtes de Pentecôte, de sainte Madeleine, de saint Louis, de saint Maximin et de l'Exaltation de la Croix. Sept oratoires jalonnaient le chemin d'accès, dit "des Roys", depuis la chapelle de la Miséricorde (Nansles-Pins) jusqu'à celles des Parisiens et du Saint-Pilon au sommet de la falaise (sur le territoire de Riboux). Édifiés en 1516 à la suite du pèlerinage de François 1er, trois d'entre eux nous sont parvenus. Restaurés en 2009 par les Compagnons du Devoir, ils sont classés Monuments Historiques.