DRAGUIGNAN
Ancienne Chapelle Saint-Jaume
Quelques vestiges subsistent encore de nos jours du plus ancien couvent de Draguignan, dit des Cordeliers (Franciscains), situé sur l'emplacement de la Mairie et de l'église Saint-Michel. Les Cordeliers étaient les seconds occupants d'une opulente abbaye bénédictine du IXe siècle qui figurait dans le douaire de la mère de saint Mayeul (4e abbé de Cluny) en 909. Le domaine, couvrant le quartier Saint-Hermentaire était encore vaste au Moyen-âge puisqu'il s'étendait "jusqu'au-delà de la chapelle Saint-Jaume", laquelle était si ancienne que la légende en faisait remonter la fondation à saint Hermentaire lui-même.
Le "Discours de la Bonne Vie de Saint Hermentaire", sorte de roman imputant au héros l'honneur de plusieurs fondations religieuses ou charitables (y compris l'Hôpital Saint-Jacques !) indique qu'il aurait fait bâtir l'église Saint-Pierre et "la chapelle de son ermitage sous le nom de Saint-Jacques" (publié par M.C. Chabaneau, t. XV, 1886, sources puisées dans divers écrits du XVIe siècle, notamment de Michel de Nostredame dit Nostradamus, et une "Vie de saint Honorat").
Les "Aires de Saint-Jaume"
Au-delà de l'ancien rempart sud du XVIIe siècle, passée la porte Saint-François, s'étendait à cette époque une vaste zone de marécages et les principales aires de battage du blé (allées d'Azémar actuelles). L'enclos franciscain bordait donc les "aires de Saint-Jaume" qui faisaient vraisemblablement partie du domaine. De toute antiquité, les aires de battage du blé de Saint-Jaume et de Saint-François étaient utilisées en libre usage par les habitants de Draguignan.
Plusieurs chapelles avaient été édifiées dans le secteur. Outre la chapelle Saint-Jaume, une seconde chapelle fut édifiée au XVe siècle sous le vocable de Notre-Dame de Montserrat (bas des allées d'Azémar), parfois appelée "Petite Notre-Dame", en référence à la chapelle Notre-Dame du Peuple voisine ; un pèlerin originaire de Corps (05) aurait fait construire cette chapelle en souvenir de son passage à l'ermitage de Montserrat en 1535. Devenue le siège de la confrérie des Pénitents bleus, on y installa un ermite en 1663 mais elle fut incendiée en 1793 car jugée trop gênante pour les foulures de grains.
La chapelle Saint-Jaume dominait cet espace depuis un monticule voisin. Elle dépendait de l'abbaye de Saint-Pons à Nice jusqu'à son rattachement au prieuré de Saint-Hermentaire au XVe siècle. En 1494, il fut décidé de l'utiliser comme abri pendant la nuit pour les voyageurs pauvres et les pèlerins. Elle fut démolie au moment des guerres de religions et de la Ligue.
Quartier et rue Saint-Jaume Un quartier et une rue Saint-Jaume rappellent aux Dracenois le souvenir de l'aire de battage Saint-Jaume et de son ancienne chapelle.
Ancien Hospice Saint-Jacques
Un premier hospice est fondé à Draguignan au XIIIe siècle par des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle ; telle est en tout cas la tradition rapportée par les érudits locaux pour évoquer les origines de l'hôpital Saint-Jacques actuel. Si son origine précise demeure ténébreuse, l'hospice est bien mentionné en 1277 dans la rue Droite, à la place qu'il occupera jusqu'au milieu du XVIe siècle.
L'hospice ou hôpital Saint-Jacques est encore cité en 1317 puis dans plusieurs actes authentiques. Ainsi, entre 1410 et 1440, il est placé sous l'administration d'un recteur, apothicaire du nom de Raynaud Laugier. Ses successeurs seront recrutés parmi les artisans de la ville (cordonniers, marchands…). Leur charge n'était pas à vie et les recteurs étaient renouvelés périodiquement.
Hôpital Saint-Jacques (couvent des Capucins)
Appelés par Catherine de Médicis en 1574, les frères Capucins arrivent à Draguignan à la Pentecôte 1599, appelés par la Communauté qui voyait en ces religieux dévoués une aide précieuse pour le clergé local. La ville acquit un coteau de la colline du Malmont pour y installer leur couvent. La pierre angulaire est bénie dès 1600 par l'évêque de Fréjus, puis de nouveau en février 1602 ; le couvent est achevé l'année suivante grâce aux dons répétés de la ville qui offrira même la cloche aux religieux.
Devenu après quelques modifications l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques-et-Saint-Lazare en 1768, il sera vendu à la Révolution comme bien national et acquis par la ville en 1791 pour y transférer l'hôpital. Outre sa chapelle, l'édifice comportait déjà trois grands corps sur trois niveaux autour du cloître et ne connaîtra, au XIXe siècle, que quelques extensions limitées pour l'adapter à ses missions nouvelles "d'hôpitalhospice" : les ailes sont exhaussées d'un niveau (1826 et 1834), les accès sont réorganisés (création d'une grande porterie en 1876) et le cloître est reconstruit avec une structure métallique (1888).
Mais c'est au XXe siècle que l'Hôpital prend toute son ampleur ; le premier pavillon chirurgical est construit en 1927. Dès lors, il ne cessera de s'agrandir et de se moderniser ; plusieurs constructions annexes voient le jour jusqu'à l'ouverture, route de Montferrat, d'un nouveau Centre Hospitalier en 1985.
L'Hôpital Saint-Jacques de Malmont conserve toutefois sa vocation hospitalière en rassemblant plusieurs activités annexes telles l'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), plusieurs pôles de santé mentale (centre médico-psychologique), d'action médico-sociale précoce pour enfants (CSPA) ou de soins en addictologie (CSAPA), ainsi qu'un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou encore d'accueil pour alzheimer (AJA).
Nouvel Hôpital de la Dracénie
Inauguré en 1985, le nouveau complexe hospitalier de la Dracénie est, en version moderne, l'héritier d'une tradition pluriséculaire commencée au XIIIe siècle avec l'Hospice pèlerin de Saint-Jacques. Poursuivie jusqu'à nos jours sur la colline de Malmont sur le site de l'ancien couvent des Capucins (Jardin des Plantes) l'essentiel des activités hospitalières entrent, route de Montferrat, dans une nouvelle ère. Entièrement rénové depuis les années 2010, le nouvel Hôpital est appelé à jouer un rôle central dans la coordination des professionnels de santé et du secteur social, notamment la prise en charge des personnes âgées, sur l'ensemble du territoire varois : CTA (Coordination Territoriale des Aînés) comme GHT (Groupement Hospitalier de Territoire). Une première version de Projet Médical Partagé (PMP) est formalisée en 2017.
Chapelle Saint-Jacques
La chapelle de l'Hôpital Saint-Jacques de l'ancien couvent constitue sans doute l'élément architectural le plus intéressant. La chapelle est indiscernable depuis la rue si ce n'est par le portail surmonté d'un oculus ouvert sur la façade. Construite de 1600 à 1603 en même temps que le couvent, la chapelle est un édifice de style "classique" à la sobriété toute franciscaine. Elle comprend une nef à trois travées voûtées d'arêtes reposant sur des arcs doubleaux. La tribune repose sur deux piliers massifs encadrés de pilastres ; elle surplombe le portail d'entrée et un baptistère. Le chœur semi-circulaire voûté en cul-de-four est précédé d'une travée voûtée d'ogives et d'un arc triomphal en plein cintre, éclairé par deux fenêtres hautes. Deux petites chapelles s'ouvrent sur la nef au niveau de la seconde travée. Le maître-autel et ceux des chapelles atérales en marbre polychrome datent des XVIII et XIXe siècles ; la chaire en stuc peint et bois est de la même époque. La chapelle représente à elle seule le quart du bâti de l'hôpital.
Après la Révolution, la chapelle est dévolue aux blessés et aux malades de l'Armée d'Italie puis aux civils et aux enfants abandonnés. Elle retourne ensuite à son rôle de "chapelle de l'hôpital". Mais, abandonnée en 1985, elle est livrée aux tags et aux squats ; ses "trésors" tableaux et œuvres d'art sont sauvés in extremis et confiés à la paroisse.
Une nouvelle chapelle Saint-Jacques ?
La démolition de la chapelle pour la construction d'un parking est décidée, et même commencée, lorsque plusieurs associations hospitalières et civiles se mobilisent pour stopper ce projet… d'autant que le sanctuaire ne semble pas avoir été désacralisé. Malgré les infiltrations d'eau et l'état de dégradation avancé du bâtiment, les premières études montrent que les structures générales de la chapelle, y compris celles de l'abside et de la tribune, n'ont bougées. Si la démolition d'une partie de l'ancien hôpital semble inévitable, les élus et les responsables d'associations estiment que la chapelle peut être sauvée.
Désormais inscrite au titre des Monument Historiques (24.12.2014), et considérée comme monument important de la mémoire locale, le permis de démolir est suspendu. L'essentiel étant ainsi acquis, un nouveau projet de restauration (chapelle) et de réhabilitation (appartements pour les autres bâtiments) peut être est envisagé ; un appel d'offres est lancé le 31 janvier 2020.
DRAGUIGNAN Fête de St Hermentaire
Saint Hermentaire (ou Armentaire)
Hermentaire, venant semble-t-il de Lérins, gouvernait l'Église d'Antibes vers le milieu du 5e siècle. Peutêtre faisait-il partie des dix-neuf évêques qui, autour de Ravennius, furent désignés par saint Hilaire, évêque d'Arles, pour porter vers 450-451 une supplique au pape saint Léon le Grand afin d'obtenir la restitution des droits de l'Église d'Arles, et signifier leur adhésion à la foi exprimée par le pape dans sa lettre à l'empereur Flavien (Constantinople). Ravennius acquerra de cette mission l'estime du pontife et celle de saint Hilaire qui le désignera, avant de mourir († 449) comme son successeur (évêque 455 -† 461). Sans doute l'un des tous premiers évêques d'Antibes, Hermentaire participe à d'autres missions, telle sa présence au concile de Vaison en 442.
Le dragon de Draguignan
Un dragon hantait jadis les gorges de la Nartuby d'Ampus mais un jour, chassé par une inondation, il vint s'installer près de Draguignan, dans le quartier qu'on appelle aujourd'hui Saint-Hermentaire. Le monstre s'y trouvait bien, y faisant souvent ripaille de ses habitants mais il eut un jour la mauvaise idée d'avaler deux pèlerins qui se rendaient à Lérins pour visiter le bon saint Honorat. Celui-ci, qui avait déjà débarrassé son île des serpents qui l'infestaient…
Cf. Patrimoine "non-jacquaire" des Alpes-Maritimes : 3 –" Saints Provençaux et lieux saints" : saint Honorat …
vint à Draguignan dès qu'on lui rapporta la nouvelle. Faisant alors face à la bête, il l'immobilisa et la terrassa sans coup férir, ne laissant que la peau et les os gigantesques du dragon, accrochés aux rochers. La région s'appela désormais "le pays du dragon".
Et saint Hermentaire, dans tout ça ? Pierre-Jean Gayrard, président de la Société d'études scientifiques et archéologiques de Draguignan, en plus de ses activités de médecin de l'Hôpital de la Dracénie, explique que par un curieux glissement (ou récupération) de l'Histoire, le grand fait d'arme de saint Honorat aurait été subrepticement attribué à saint Hermentaire, déjà saint-patron de Draguignan, durant la Renaissance (Cf. "la Légende de saint Hermentaire"). En tout cas, quel que soit l'auteur de l'exploit, son retentissement fut tel qu'on décida d'adopter le dragon comme blason de la ville. La mémoire de saint Hermentaire jouit d'un culte très ancien dans l'église de Grasse où fut transféré, au XIIIe siècle, le siège épiscopal d'Antibes. On y trouve une église décorée depuis plusieurs siècles du titre de prieuré de l'ordre de Saint-Benoît ; les peuples du voisinage s'y rendent en dévotion pour vénérer les reliques du Saint et pour implorer sa protection auprès de Dieu.
Les fêtes de Saint-Hermentaire
Saint Hermentaire figure dans les Martyrologes de Nice et de Fréjus. Celui de France, mentionne sa "naissance au ciel" le 30 janvier, sans préciser l'année. Il est fêté à Grasse le 17 février et à Draguignan le lundi de Pentecôte. Chaque année, une fête votive de Saint-Hermentaire est organisée par la municipalité, généralement le week-end de Pentecôte. Outre la bénédiction traditionnelle à la chapelle, diverses animations se succèdent durant plusieurs jours : un corso fleuri (la Ronde des dragons) avec parade et fanfares ; une course cycliste (la Ronde de Saint-Hermentaire) ; une fête foraine et un feu d'artifice ainsi qu'un bal populaire.
Chapelle Saint-Hermentaire
Sur sa colline dominant la Nartuby, La chapelle Saint-Hermentaire de Draguignan est peut-être le seul édifice religieux du VIe siècle encore debout. Tel est en tout cas l'avis de l'abbé Boyer qui mena les premières fouilles de la chapelle dans l'immédiat après-guerre. On y embrasait alors un pin préalablement béni afin de représenter, disait dans son homélie le curé de Draguignan, en 2016 encore, la propagation de l'amour du Christ envers les hommes. Dans le même temps, alors qu'il ouvrait la fête annuelle du Dragon et lançait une opération de restauration ambitieuse de la chapelle, le maire rappelait à ses administrés les rogations des anciens, suppliant les forces occultes de les purifier et de leur apporter protection contre les vents mauvais, les inondations, le gel tardif, les maigres récoltes et le mauvais œil…
La chapelle est construite sur le site occupé, dès le 1er siècle avant notre ère, par une villa gallo-romaine apparemment cossue puisqu'elle était dotée de thermes. Si l'endroit semble peu crédible pour affronter un dragon, le vocable de Saint-Hermentaire milite en revanche pour un culte venu de Lérins. Le prieuré passa sous l'obédience de l'abbaye niçoise de Saint-Pons en 1235 et le demeura jusqu'à la Révolution.
Les fouilles réalisées en 1990 (Yann Codou) révèlent qu'au lieu d'une chapelle romane classique des XIIe ou XIIIe siècles, apparaît un ensemble monumental avec chapelle édifié au VIe siècle sur des vestiges gallo-romains des trois premiers siècles. Plus remarquable encore, la chapelle Saint-Hermentaire serait la seule du genre en France à être pratiquement intacte.
Elle comporte trois travées couvertes de voûtes d'ogives à branches carrées et une abside semi circulaire empâtée dans un mur droit. Deux colonnes de marbre de remploi antiques couronnées de chapiteaux corinthiens flanquent l'entrée. La découverte de tombes en bâtière liées au mur en fondation, confirment la datation du VIe siècle. Érigé en église paroissiale, l'édifice est modifié et agrandi à plusieurs reprises, notamment aux XIe et XIIIe siècles (d'où son aspect actuel). Abandonnant son plan quadrangulaire d'origine à une seule nef charpentée, la chapelle est réorientée au XIVe siècle et un mur percé d'un portail monumental gothique.
Les bâtiments conventuels et le domaine agricole aujourd'hui aliénés demeurent propriété privée tandis que la chapelle appartient à la ville de Draguignan. La chapelle est classée Monument Historique depuis 2014 et le culte y est toujours assuré, notamment les lundis de Pâques et de Pentecôte.
Anciens Hospice, Hôpital et Chapelle Saint-Jacques Cf. Patrimoine "jacquaire" du Var : Draguignan