Deuxième Hôpital Saint-Jacques
Des nombreuses fondations médiévales aixoises destinées aux orphelins, pèlerins ou lépreux qui existent à la fin du XVe siècle, trois des six hôpitaux sont administrés par la municipalité. La création de l'Hôpital Saint-Jacques en 1519 renforcera cette tradition d'administration laïque de la bienfaisance.
C'est dans ce contexte que le notable aixois Jacques de la Roque, trois fois consul, fonde l'Hôpital Saint-Jacques pour les pauvres et les malades en dotant celui-ci de tous ses biens puis en le léguant plus tard à la ville, entendu qu'il se chargera lui-même de sa gestion durant sa vie sans la participation d'aucun clercs. Cette tradition sera poursuivie en 1590 avec la fondation de l'œuvre (Confrérie) de la Miséricorde par des "dames d'élite", destinée à l'assistance aux pauvres "honteux" (victimes de malheurs inattendus). Il servira également de modèle à l'Hôpital général de la Charité, fondé au siècle suivant (1640).
Il choisit pour construire son hôpital un enclos de vigne situé au sud de N.D. de la Consolation à environ 300 m des murs de la ville qui appartenait alors au chapitre de Saint-Sauveur. Acquis et affranchi de toute redevance le 3 mai 1519, les travaux ne seront achevés qu'en 1533 mais les locaux réservés aux hommes entreront en service dès 1521.
"Chapelle Saint-Jacques"
Farouchement attaché à la laïcité de son hôpital, Jacques de la Roque était hanté par l'idée qu'un jour l'œuvre de sa vie cesse d'être laïque et puisse être exploitée par des ecclésiastiques. Une chapelle s'avérant néanmoins indispensable, il fit construire une chapelle attenante à l'Hôpital, "laïque et non ecclésiastique" précisait-il, sans clocher ni autel. Les messes y étaient toutefois quotidiennes, célébrées si possible par un prêtre pauvre de passage ou un prêtre pèlerin sur un autel portatif. Mais devant toutes les difficultés rencontrées pour assurer les confessions, les derniers sacrements aux mourants ou accompagner les enterrements, un accord est finalement trouvé avec le chapitre. Les prêtres devront changer toutes les semaines (chaque dimanche matin à 8h) ; pour la Saint-Jacques, le fondateur exige en outre un diacre, un sous-diacre et cinq prêtres accompagnant un chanoine célébrant. Ses testaments préciseront que la chapelle devra toujours rester profane et laïque, et que l'Hôpital ne devra jamais être cédé à un prêtre !
L'Hôpital était conçu pour recevoir 20 lits, dont 16 tout neufs avec courtines en bois et quatre avec "encarteras" ; il y avait aussi deux lits plus petits pour les malades qui se souillaient. Les enfants étaient logés dans le bâtiment des hommes et se retrouvaient tous dans un grand lit qui leur était réservé. On pouvait les mettre tête-bêche et donc en hospitaliser jusqu'à huit. Les femmes sont installées dans un bâtiment séparé. Lorsqu'elles allaient mieux, elles aidaient aux tâches ménagères. Plus tard, l'établissement comptera 27 lits chez les hommes (soit 54 malades) et 21 lits chez les femmes (42 malades)
Gala de la Saint-Jacques
Jacques de la Roque attachait une grande importance à la nourriture. Chacun recevait du pain et du vin "en quantité suffisante" avec un "accompagnement" (le copinage), le tout montant à deux patacs. Il s'agissait souvent de soupe avec viande, légumes et farine cuits ensemble afin que le bouillon soit bon et "pas trop clair". La viande était de la tête de mouton et le vin de "la trempe". Il y avait aussi un "jour de gala", celui de la Saint-Jacques après la messe, où l'on remettait à chacun un petit pain, un quarteron de vin et de la viande.
Il n'y avait pas de médecin ni de chirurgien ou d'apothicaire permanent (on faisait appel à des praticiens extérieurs en cas de nécessité), mais un hospitalier et un muletier, bûcheron-quêteur, aidés par un trésorier. L'accueil médical était assuré par deux femmes veuves appartenant au "tiers ordre de Saint-François" qui avaient d'abord servi les Dames de Sainte-Claire ; un homme, pas toujours de métier, les aidait et faisait parfois la quête en ville au profit des pauvres.
L'Hôpital accueillait gratuitement "tous et chacun des pauvres du Christ malades ou impotents… jusqu'à leur guérison ou à leur mort". Il héberge aussi les pèlerins de passage une ou deux nuits mais s'ils étaient malades ils étaient assimilés aux pauvres et soignés comme eux, jusqu'à leur guérison ou leur mort. Il y avait aussi des exclus, notamment les pestiférés et les enfants bâtards.
Logement des pèlerins
Ceux-ci bénéficient d'un régime particulier. Ils sont logés au premier étage du bâtiment des hommes, dans une grande chambre avec une "arrière chambre". Il y a là trois lits garnis, avec matelas, couvertures et oreillers. On peut y mettre huit pèlerins, soit deux lits à trois personnes et un à deux.
Une grave menace survient en 1536 lorsque le second passage en Provence de Charles Quint, la défense de la ville impose la démolition de toutes constructions extérieures aux remparts, et donc de l'Hôpital Saint-Jacques. Le fondateur évacue le mobilier et s'efforce de retarder la destruction à prix d'or. L'hôpital est finalement sauvé grâce à une lettre de sauvegarde du roi François 1er obtenue in extremis le 12 janvier 1537. Mais une nouvelle lettre patente du roi confirme la réunion des hôpitaux de la ville et le Conseil tente de récupérer la dotation pour prendre le contrôle de l'Hôpital.
Une nouvelle menace sur l'Hôpital, plus inattendue, survient après la mort du fondateur en 1539 : le seul de ses héritiers survivants est prêtre, ce qui est incompatible avec les dispositions juridiques arrêtées, lesquelles excluaient également les femmes ; un procès laborieux s'ensuit aussitôt. Un arrêt du Grand Conseil du 16 septembre 1551 adjuge aux Pauvres de l'Hôpital les biens du fondateur, qui reviendront finalement à la ville en 1553.