COTIGNAC
COTIGNAC
Situé au pied d'une falaise, à 10 km de Carcès, le village est construit sur la base d'une ancienne chute d'eau dont la rivière, la Cassole, avait été détournée vers l'an mil. L'ancien hameau Saint-Martin, au sommet, pourrait être le village d'origine. La seigneurie de Cotignac, attestée dès 1030, passe au XIIIe siècle dans le domaine des comtes de Provence ; les Pontevès étaient alors seigneurs de Cottignac, Carcès et Bargême. Mais la ville est surtout connue par son sanctuaire et son pèlerinage. On y vénère la Vierge Marie et saint Joseph, et par extension, toute la Sainte Famille.
Église de l'Annonciation
En 1266, une église est construite au village lorsque la population commence à s'installer au pied du castrum perché sur les falaises. Elle sera reconstruite en 1514 et consacrée la même année. Mais l'église s'avère rapidement trop petite ; deux nefs latérales sont ajoutées en 1654 et 1678. Des travaux sont encore engagés entre 1754 et 1768 mais elle demeure quasi-inchangée depuis son agrandissement. Les nefs latérales voutées d'arêtes sont reliées à la nef principale en berceau, par des arcades en plein cintre. L'abside semi-circulaire (en cul-de-four) reçoit le jour par une sorte de lanterneau qui éclaire le chœur. À l'intérieur, le maître autel semble être du XVIIIe siècle ; un tableau suspendu au fond de l'abside représente l'Annonciation. La tribune porte un orgue Daublaine-Callinet de 1847 initialement destiné à une église marseillaise. Un clocher carré et trapu, reconstruit en 1771, est accolé au chevet ; celui-ci contient une cloche de 1524. La dernière restauration remonte aux années 2003-2004.
COTIGNAC Premières apparitions de Cotignac
L'Église catholique reconnaît deux apparitions de la Vierge Marie et une apparition de saint Joseph portant tous les deux l'enfant Jésus. Les 10 et 11 août 1519, un bûcheron nommé Jean de la Baume voit apparaître au mont Verdaille (à 15 mn à pied du village) la Vierge avec l'enfant Jésus dans ses bras, entourée de saint Bernard de Clairvaux et de l'Archange saint Michel (et peut-être sainte Catherine d'Alexandrie). Ils lui demandent de faire bâtir une église, ce qui est aussitôt réalisé sur décision des consuls. Les travaux commencent le 14 septembre ; dans les fondations sont découverts des ossements et des instruments de torture du IIIe siècle. Une belle statue de bois doré, sculptée sur les indications du voyant, est déposée dans le chœur à l'endroit des apparitions, et le 17 mars 1521, le pape Léon X accorde une série de privilèges au nouveau sanctuaire provençal. Mais l'édifice ne peut contenir l'afflux des pèlerins qui arrivent de tous les horizons et il est décidé, dès 1537, d'en construire un plus grand. Un tableau, peint en 1610, est sauvé miraculeusement des ravages de la Révolution par des jeunes filles du village. Premier culte marial La première société sacerdotale de prêtres de l'oratoire voit le jour à Cotignac qui entreprend aussitôt la construction d'un couvent sur trois niveaux pouvant accueillir jusqu'à 300 religieux. Dès 1586, la petite communauté se rattache à l'Oratoire que Philippe Néri vient de fonder à Rome puis, quelques années plus tard (1619), à l'Oratoire français qu'entre temps, le futur cardinal de Bérulle avait réuni à Paris. La bulle du pape Urbain VIII de 1629, adressée aux Père de l'Oratoire, mentionne : "le célèbre sanctuaire dédié à la Bienheureuse Vierge Marie dite de Grâces" (ou des Grâces) à cause des miracles éclatants que Dieu y a opérés…". Mais le signe le plus retentissant était encore à venir : La cour de Louis XIV à Cotignac D'abord régionale, la notoriété de Cotignac va s'accroître lorsqu'en 1637 (règne de Louis XIII), un moine Augustin déchaussé parisien, le frère Fiacre, déclare avoir eu une révélation intérieure touchant au couple royal, stérile depuis 22 ans : La reine Anne d'Autriche devait faire dire des neuvaines à la basilique Notre-Dame-des-Victoires, à Notre-Dame de Paris et à l'église Notre-Dame de Grâces de Cotignac pour avoir un héritier au trône. Commencées le 7 novembre, les neuvaines se terminent le 5 décembre et, exactement neuf mois plus tard, le 5 septembre 1638, naît Louis XIV. La reine y verra aussitôt le signe qu'elle a été exaucée et se rendra bientôt à Cotignac en pèlerinage avec son fils. Engagé depuis 1635 dans une guerre avec l'Espagne, Louis XIII essuyait à cette époque de sérieux revers militaires et l'idée de s'engager dans un vœu de vouer le pays entier à Notre-Dame était déjà dans l'air. Le roi avait esquissé diverses formules de consécration et, ce qui deviendra "le Vœu de Louis XIII", est soumis en 1637 au Parlement ; le texte sera signé et enregistré comme loi le 10 février 1638 (rappelé chaque 15 août à la fête de l'Assomption). À cette date, le roi venait d'envoyer le frère Fiacre avec son supérieur à Cotignac pour y célébrer la sainte messe pendant neuf jours "afin que par l'offrande de ce grand sacrifice, il plaise à la Divine Bonté d'accorder à la reine son épouse une heureuse lignée…". La reine était enceinte de deux mois lors de la promulgation du fameux vœu. Le texte mentionnait "les grandes assistances que plusieurs femmes enceintes ont reçues pour la conservation de leur fruit par l'intercession de Notre-Dame de Grâces". La visite de reconnaissance de Louis XIV et d'Anne d'Autriche aura lieu quelques années plus tard, à l'occasion de la signature, sur la frontière franco-espagnole (l'île des Faisans, au milieu de la Bidassoa), du "Traité des Pyrénées" réconciliant la France et l'Espagne ; le jeune roi (21 ans) y fera alors la connaissance de l'infante d'Espagne, Marie-Thérèse d'Autriche, sa cousine-germaine et future épouse. Après un court passage à la Sainte-Baume, le cortège royal arrive à Cotignac le 21 février 1659. Louis XIV offre une bague d'or et un cordon bleu, long cordon de moire bleu céleste que portaient les membres de l'Ordre du Saint-Esprit, déroulé tout au long du chemin et de l'escalier – désormais appelés Louis XIV – qui montait jusqu'au sanctuaire.
Seconde apparition de Cotignac
Une autre "coïncidence" allait défrayer la chronique monarchique. Quittant bientôt la Provence, le monarque et sa cour arrivaient à Saint-Jean-de-Luz début juin 1660 pour y recevoir son épouse et signer le fameux traité qui réconcilierait l'Espagne et la France. Le jour-même où la reine Marie-Thérèse sortait de l'île de la Conférence pour entrer en France et prenait congé du roi, son père, saint Joseph apparaissait au Bessillon ! Le 7 juin 1660, une année donc après la visite du roi à Cotignac, à 3.5 km des apparitions de la Vierge Marie, apparait saint Joseph avec l'enfant Jésus dans les bras : un berger nommé Gaspard Ricard garde son troupeau sur un versant du Bessillon ; il a très soif. Soudain, il voit un homme sur un rocher qui lui dit : "je suis Joseph, enlève le rocher et tu boiras". Gaspard enlève aisément le rocher et boit. Ayant étanché sa soif, il part prévenir le village qui accourt, vu qu'en cet endroit désert, il ne peut pas y avoir d'eau. Une dizaine d'hommes sont nécessaires pour retirer le rocher, alors que Gaspard l'avait soulevé seul. La source abondante, et miraculeuse, ainsi découverte – la font Saint-Joseph – ne s'est jamais tarie et continue, encore aujourd'hui, à dispenser des grâces. Dès lors, la "Source de saint Joseph" devient un lieu de dévotion. Les pèlerins s'y précipitent et des guérisons s'opèrent. Les dons affluant, la construction d'une chapelle dédiée à saint Joseph est mise immédiatement en chantier (août 1660) mais elle ne suffit pas à contenir l'afflux des pèlerins, stimulés par le voyage de la cour à Cotignac. Une église plus grande est mise en chantier (1661) et consacrée en 1663. Confiée aux Oratoriens de Notre-Dame de Grâces, ceux-ci lui adjoignent un petit couvent. Trois oratoires sont construits et dédiés à saint Joseph pendant que le roi déclare le 19 mars (saint Joseph) jour chômé dans tout le royaume.
Sanctuaire Notre-Dame de Grâces
Après tous ces évènements, le roi rentré à Paris, mande au frère Fiacre d'aller une nouvelle fois à Cotignac offrir en son nom plusieurs exemplaires du Traité des Pyrénées ; la reine Anne de son côté, le prie de poursuivre son pèlerinage jusqu'à Rome, ce dont le frère Fiacre s'acquitte en mars 1661. La reine décède en 1666. Louis XIV fait apposer l'année suivante une plaque dans le sanctuaire à la mémoire de sa mère, rappelant qu'il fut donné à son peuple par les vœux qu'avait fait sa mère dans cette église. Notre-Dame de Grâces ne cessera plus d'être l'objet d'une fervente dévotion. D'abondantes aumônes sont versées au sanctuaire ; tous les corps religieux, les confréries, y organisent des processions ; certaines paroisses font vœu de venir chaque année rendre des actions de grâce à Notre-Dame. Lors de la Révolution, les Pères de l'Oratoire durent quitter Notre-Dame. Le culte qui n'avait jamais cessé depuis 274 ans dût s'arrêter et les suspects dirigés sur Toulon. Après le 9 thermidor, on rasa la forêt et l'église fut totalement détruite ; on fouilla jusque dans les tombes. Elle est finalement relevée en 1811 et rendue au culte. Les vitraux illustrent les apparitions et la visite de Louis XIV ; un bas-relief représente sainte Marie-Madeleine. À la demande de l'évêque de Fréjus-Toulon, la Communauté Saint-Jean (fondée en 1975) anime le sanctuaire depuis 1981. Divers pèlerinages y sont organisés pour les pères et les mères de famille, ainsi que pour les couples en espérance d'enfant. Un nouvel autel est consacré le 1er mai 2002 par Mgr Rey ; des reliques de martyrs du diocèse y sont scellées.
Monastère Saint-Joseph de Bessillon
Chapelle et couvent doivent être abandonnés au moment de la Révolution. Le couvent tombe en ruine mais la chapelle Saint-Joseph résiste. Des moniales Bénédictines rapatriées d'Algérie (Médéa), attentives aux affinités spirituelles de saint Joseph, chef de la Sainte Famille, décident en 1975 de relever les ruines du couvent oratorien du XVIIe siècle et de faire de la chapelle leur église conventuelle. L'architecte Fernand Pouillon, au soir de sa vie, qu'elles avaient connu à Médéa, se propose d'établir gracieusement les plans de leur nouveau monastère et de diriger les travaux. Unissant les patronages de saint Joseph, chef de la Sainte-Famille et de saint Benoît, père de leur famille monastique, la consécration de l'autel a lieu le 3 décembre 1978. Le manque de vocations oblige malheureusement les Bénédictines à dissoudre la communauté. De nouvelles sœurs contemplatives et apostoliques venue d'Argentine, "les sœurs de Mater Dei", 0s'installent officiellement au monastère le 19 mars 2019.
Chapelle Saint-Bernard