Hors Chemin de Saint-Jacques et de Rome ANCIENNE ROUTE MÉDIÉVALE
ANCIENNE ROUTE MÉDIÉVALE
"Le Moyen-âge, dit-on, a construit peu de routes ; il a vécu tout entier, et a cheminé pendant des siècles, sur les débris de la voie romaine". Totalement abandonnées à l'époque mérovingienne, les voies romaines retrouvent quelques couleurs à l'époque carolingienne mais, avec la disparition des coutumes de la corvée, la nature et l'agriculture reprennent progressivement leurs droits. Les itinéraires anciens n'avaient pas totalement disparu mais les ponts tombent en ruine, les terres agricoles et la végétation recouvrent peu à peu la route ; la chaussée est souvent réduite à un simple sentier.
Parallèlement, les moyens de transport deviennent plus lourds et plus puissants, annonçant d'importants changements ; un réseau de chemins, rayonnant autour de villes nouvelles et de bastides, s'organise progressivement. Dans nos régions, les vestiges de la voie Aurelia voient toujours le passage des pèlerins et des voyageurs à pied, mais de nouveaux itinéraires s'imposent peu à peu pour les échanges commerciaux, notamment avec l'Italie.
De Brignoles, la route vers Fréjus, Cannes et Antibes demeure un axe important au Moyen-âge mais un nouvel itinéraire, plus court, s'écarte de la voie Romaine en direction de Lorgues et Draguignan ; au-delà, la route poursuit jusqu'à Grasse et Vence (ex-RN 562). Cette route, dite "médiévale", rejoignait l'ancienne voie à Nice par le gué de Saint-Laurent et le quartier Saint-Augustin ; on pouvait aussi contourner la métropole par le gué de Gattières et retrouver la voie Romaine à la Trinité et la Turbie.
Cette voie s'affirmera du XIIIe au XVIe siècle, jusqu'à devenir l'axe principal entre la Vallée du Rhône et l'Italie. Le culte de saint jacques suit le même itinéraire. Nombreux sont donc les édifices religieux et les hospices portant le nom de Saint-Jacques aux abords de cette voie "transversale", aujourd'hui éloignée des chemins "modernes" de pèlerinage.
Hôpital de route / Hostellerie de Garron
Étape incontournable de la route "Médiévale", le "domaine de Garron" est aujourd'hui une auberge appréciée des voyageurs. Situé sur le territoire de Seillans, à mi-chemin de Draguignan et de Grasse, l'hôpital de route-Hôtellerie recevait déjà des pèlerins au XIIe siècle. Avec le pont de Garron sur le Riou de Claviers, l'établissement deviendra un "passage obligé" pour tous les voyageurs : le comte de Provence et l'évêque de Fréjus s'y sont arrêtés en 1235. Saint Louis d'Anjou, revenant de Rome accompagné d'une troupe de mendiants, qui se rendait chez son père Charles II à Brignoles, s'y arrête en 1297. Le pèlerin irlandais Symon Semeonis et son compagnon de voyage Hugues l'Enlumineur, après avoir traversé l'Angleterre et la France, passent une nuit au Garron (1323) avant de se diriger vers Gênes et Venise afin de s'embarquer pour l'Égypte et la Terre sainte. Des rois (Robert d'Anjou, 1324), un antipape (Nicolas V, 1330), des princes (Humbert II du Dauphiné, 1333), des inquisiteurs et des fugitifs de l'Inquisition, s'y croisent sans discontinuer ; des religieux de toutes sortes, Franciscains et Dominicains, parfois des cardinaux (Pierre-Bertrand de Colombier, 1355) de même qu'un futur pape (Urbain V, 1362) se bousculent à Garron. Lors du retour à Rome de la papauté d'Avignon (1367), c'est tout le Sacré-Collège et la curie qui
occupent l'Hostellerie.
Benoît XIII (Pedro de Luna), dernier pape d'Avignon (finalement compté comme antipape par les catholiques romains), après être passé à la Sainte-Baume et à Saint-Maximin (6 au 10 décembre 1404) et s'être arrêté "à son de trompette" à Lorgues et à Draguignan (12 et 13 décembre), passe avec sa suite le Riou de Claviers à Garron le 15 décembre pour se rendre par petites étapes à Nice (2 février 1404) où il est accueilli par Amédée VIII de Savoie ; il s'y installe pour trois ans.
Des marchands, dracénois et florentins, des ambassadeurs, mais aussi le seigneur-pèlerin Bertrand de Villeneuve en route pour Saint-Jacques de Compostelle, y rencontre son beau-frère Antoine de Villeneuve (1426) alors propriétaire de l'hôpital-hôtellerie. Les pèlerins, connus ou moins connus, se dirigeant vers Rome, Saint-Maximin ou Compostelle (ou en revenant), fréquentent assidument l'établissement ; ils sont innombrables, jusqu'à la fin du XVIe siècle.