Chante-Puvine
La route royale
Un lieu historique
Le cairn de Chante-Puvine, érigé au cours de l’été 2016, est implanté en un lieu historique particulier. Ce lieu bien visible encore à cette date est une chaussée qualifiée de « route royale ».
Les historiens ne peuvent s’accorder pour affirmer que le tracé de cette route royale se superpose à un tracé de voie romaine, voire celte. Plus incertaine serait la probabilité que cette voie romaine ait été construite sur une ancienne voie héracléenne.
Dans la Grèce antique (XVème siècle av. JC) les populations se réfèrent à des légendes, des mythes. Selon l’historien grec Polybe (- 203 - 126 av. JC), la légende attribue à Héraclès, héros de la mythologie grecque (Hercule pour les romains) deux expéditions dans la partie sud occidentale de notre Europe : la création du détroit de Gibraltar (les colonnes d’Hercule) en écartant deux montagnes et la récupération des bœufs d’un géant à trois têtes. Ce retour d’un couple de bœufs a dû laisser des traces !
Denis Buffet dans un article publié en 2013 sur les recherches historiques - La vallée de La Durance, voie de communication historique - propose un tracé de cette vois héracléenne.
Le tracé plutôt imprécis permet de multiples interprétations ! Au delà de cette création mythique, l’archéologie et quelques récits antiques montrent que ce tracé ancien a été pérennisé par une voie romaine. Il s’agit de l’un des grands itinéraires romains traversant les Alpes à savoir la Via Domitia.

La voie Domitienne
Nous avons l’image de la voie romaine avec son empierrement et les deux sillons creusés par les roues des chars romains. Pour la voie Domitienne il s’agit d’une structure lourde aux empierrements profonds d’une largeur de 5 à 6 mètres. Largeur que l’on retrouve pour le pont romain de Ganagobie et plus au sud le pont Julien près d’Apt. Mais cette structure lourde n’est pas permanente, elle est conditionnée par l’environnement naturel.;
Sur les dépliants de vulgarisation et publicitaires (texte de Guy Barruol), la voie Domitienne longeait la Durance en rive droite pour joindre Sisteron au pont de Ganagobie (IIème siècle de notre ère). Le tracé supposé, délibérément vague, est esquissé entre Saint-Donat et la Durance. Il s’agit de préciser le tracé probable reliant Peipin à Peyruis. En se référant à la carte de Cassini, établie au XVIIIème siècle, et l’ouvrage « La voie romaine de Cavaillon à Sisteron sous le Haut Empire » de Guy Baruol et Pierre Martel (Etudes Ligures) on peut essayer de le préciser. Les auteurs écrivent que seul le tronçon Les Chabannes - Mardaric est sujet à discussion. La carte de Cassini indique un itinéraire nord-sud assez rectiligne d’Aubignosc à Montfort.
Une voie
et son histoire
C’est par cette voie que se répandit le christianisme aux IIème et IIIème siècle. Utilisée constamment en particulier sous Charlemagne (742 - 814) elle constituera l’assise d’autres infrastructures. La répartition des péages en Haute Provence confirme son utilisation à cette époque. On mentionne un péage à Peipin en 1206, 1220 et 1285, et un péage au « Bois de Saint-Donat ». Sous Louis XI (1423 - 1483) une fonction supplémentaire leur est assignée : assurer les déplacements du Roi, d’où leur nouvelle appellation de « route royale ». Louis XV (1710 - 1774) crée l’administration des Ponts et Chaussées, assurant ainsi le bon entretien de ces structures. C’est ainsi que peu avant la Révolution un pont a été restauré (clé de voûte datée de 1782), à 400 m environ au sud de Châteauneuf.
Les documents
Une chaussée construite
dans les règles de l’art
La structure visible à Chante-Puvine est une chaussée constituée de trois couches de matériaux, retenues sur les bords par de lourdes pierres ou « simonces ». La couche inférieure est composée de pierres posées sur leur tranche (comme pour une calade). La couche intermédiaire est en pierraille de 10 cm d’épaisseur uniforme. La couche supérieure est un engravement soigneusement étalé. L’épaisseur du revêtement est d’environ 45 cm au contact des « simonces » et 76 cm dans l’axe. La largeur est de 4,87 m et l’emprise totale de l’ouvrage, avec ses deux banquettes, de 8,12 m.
Cette largeur de près de 5 m pour la zone de circulation est celle que l’on retrouve pour les ponts romains tels que celui de Ganagobie ou le pont Julien. Lorsqu’une banquette est posée sur du remblai, la pente du talus est de 50° et un fossé est aménagé au pied du talus. Lorsque la banquette est côté vallée elle repose sur un mur pouvant avoir dans certain cas une hauteur impressionnante, c’est le cas pour Chante-Puvine.
Une voie
plusieurs noms
Pour être complet citons René Maurel qui fut en tant qu’historien le rédacteur et le coordinateur des textes établis lors de la composition du topo-guide du GR 653D (Édition FFRandonnée - juillet 2009). Celui ci apporte une correction à une première élaboration d’un texte précisant que la voie Domitienne passait par le vieux village de Châteauneuf et « dont le tracé reprenait celui d’une voie celte ». René Maurel précise : « …pas spécifique ici. C’est presque toujours le cas ».
Alors, sous le cairn de Chante-Puvine, on trouve un amoncellement successif d’appellations pour une structure de communication : héracléenne, romaine, celte et royale ! René Maurel qui était également enseignant insiste pour que le nom de « voie » soit réservé aux trois premiers et que le terme de « route » soit appliqué au quatrième : « royale ». D’autant que nombre d’entre elles deviendront routes impériales puis nationales.